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L'absurde Liban de Joyce Chahwan Karam

LIVRE

28/05/2025|Zeina Saleh Kayali

C’est le titre de l’ouvrage de Joyce Chahwan Karam, un cri qui vient du cœur et qui parle au cœur et où elle retrace son parcours de jeune Libanaise marquée par la guerre.  Elle raconte à l’Agenda Culturel.


Vous avez toujours aimé écrire ?

De tout temps j’ai aimé écrire et ce depuis très jeune. J’écrivais des textes épars, par ci par là.  J’ai même des ébauches de livres dans mon ordinateur, mais je n’avais jamais vraiment eu l’occasion de faire aboutir cette passion.


Alors qu’est ce qui a déclenché ce livre que vous venez de publier aux éditions Baudelaire ?

La colère. Oui, c’est la colère qui a été le facteur déclenchant de mon processus d’écriture. La colère face aux conséquences de ce fameux 7 octobre. Cela m’a mise dans une rage folle. Cette injustice, vis-à-vis de ce qui se passe à Gaza, cette complaisance pour ne pas dire complicité occidentale, la façon dont les médias ont traité cette guerre, la mauvaise foi, la lâcheté, l’indifférence, tout cela m’a mise hors de moi. Alors je me suis mise à écrire, à écrire, à écrire, d’un seul jet, sans retour. En quelques mois le livre était achevé et je ne l’ai relu qu’à ce moment-là.


Ce fut donc la goutte qui a fait déborder le vase ?

Absolument et le vase était déjà plein de ce que nous avions vécu pendant les années de guerre au Liban. J’étais persuadée que la guerre de Gaza allait déferler sur le Liban, ce qui est hélas arrivé et je me disais « encore tout recommencer à nouveau ? ». Cette écriture rageuse a eu quelque chose de libérateur. Une fois le texte terminé et corrigé, je l’ai envoyé à plusieurs maisons d’édition, un peu comme une bouteille à la mer. Et à ma grande surprise et joie les éditions Baudelaire se sont montrées intéressées. S’il intéresse les lecteurs, tant mieux, sinon, je considère que l’avoir écrit et publié est déjà une victoire.


Vous diriez que l’ouvrage est une sorte de journal de la guerre de 1975-1990 ?

Je dirai que c’est plutôt mon vécu durant cette période. Cette période si violente et absurde. On date la fin de la guerre du Liban en 1990, mais en fait elle ne s’est jamais arrêtée.  Certains des textes de l’ouvrage sont ceux que j’avais rédigés à l’époque même, alors que j’avais quinze, vingt ou trente ans. Avec l’éditeur nous avons décidé de les garder tels quels, même avec leurs fautes. En parallèle, je raconte aujourd’hui ce que j’ai vécu alors : les bombardements, ma relation à mes parents, aux voisins. J’y mêle la chronologie des événements, de l’histoire. J’essaie de garder mon humour, bien qu’il soit un peu amer. Je parle aussi de philosophie, de questions existentielles. Je dialogue même avec Dieu ! Pourquoi nous inflige-t-il tout cela ? Mais évidemment, il n’y a pas de réponse.


Vous vous posez des questions sur des sujets qui dépassent le Liban et la région du Moyen-Orient ?

Oui. Quand est-ce les guerres vont-elles prendre fin dans le monde ? Quand aura-t-on enfin la paix ? Quand pourra-t-on vivre « normalement » ? Vous le savez comme moi, nous n’avons pas eu une jeunesse normale. J’allais armée à l’université et cela ne choquait personne. Aujourd’hui cela me semble hallucinant. Tous ces exodes, ces déplacements de population, ces morts, sont-ils « normaux » ? Comment laisse-t-on faire ?


A qui s’adresse votre ouvrage ?

A mes compatriotes pour qu’ils se souviennent de ce qui est arrivé, de ce par quoi nous sommes passés. Nous avons un devoir de mémoire envers nous -mêmes et envers les générations futures. L’ouvrage s’adresse aussi aux non-Libanais qui ont été si mal et si peu informés. Qu’ils sachent quel était le quotidien d’une Libanaise pendant toute cette période. Et ce qui m’est arrivé, le témoignage de mon propre vécu, est valable pour chacun d’entre nous.


Vous avez déjà des réactions positives de lecteurs ?

Oui et notamment une lettre du père Michel Ibrahim qui m’a bouleversée et dont je vous livre un extrait :  « … Je suis touché par la lucidité avec laquelle vous décrivez la complexité libanaise, cette tragédie qui se joue entre manipulations extérieures, compromissions locale et douleur ordinaire ? Vos pages ont résonné en moi comme un appel prophétique à la fois dénonciation et espérance, cri et résilience. Vous nommez la bêtise, la lâcheté, mais aussi l’amour, la mémoire et l’honneur… »


Vous pensez que les politiques libanais devraient le lire ?

Pourquoi pas ?! Ils pourraient apprendre des choses sur le quotidien des citoyens pendant toutes ces années. D’ailleurs mon époux qui a rencontré par hasard le Ministre libanais de la culture sur un avion, lui a offert l’ouvrage. Et ce dernier s’est souvenu que j’avais été son étudiante à la faculté des sciences politiques dans les années 1980 ! Le lira-t-il ? Nous verrons bien !  


Joyce Chahwane Karam dédicacera son ouvrage le mercredi 11 juin entre 18h et 20h à la Libraire Antoine (ABC Achrafié)

 

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