Genève, quartier Plainpalais. À côté de cette esplanade très animée de la ville, la rue Patru s’étire langoureusement, bercée de parfums levantins qui la réveillent chaque matin, depuis juillet 2021, en volutes de pain chaud, de zaatar et de douceurs épicées.
Un splash vitaminé vous accueille dès l’entrée, en mélodies de Fayrouz, d’Oum Kalthoum et en éclats de rire. Dans un brouhaha bon enfant, un mélange de dialectes levantins et de « bonjour, bonjourein », vous voilà plongée illico dans la joyeuse ambiance de la street food beyrouthine.
Deux tableaux suspendus au-dessus du four annoncent les festivités et vous donnent déjà le tournis :
Lahmbjbaajine, labneh zaatar, arayess kafta, halloum et mouhammara voisinent avec moutabbal et hoummos revisités, ainsi qu’un choix de desserts : mouhallabiehs et halewet el jebn.
Un thé à la menthe, proposé dans une fontaine en libre-service, réchauffe les cœurs déjà conquis par un décor bucolique, qui mélange en douceur les couleurs de la Méditerranée.
À l’origine de l’aventure : un tandem débonnaire et efficace — Nadim Tohmé, Libanais de Qornet el Hamra, et Louai Al Dakak, Syrien de Jaramana.
Une belle rencontre, mélange d’amitié et de complicité gourmande, qui va d’abord donner naissance, le 1er août 2017, à Saj Eats, une première enseigne située rue des Alpes.
La date du lancement n’avait pas été choisie par hasard : le 1er août étant la fête nationale suisse.
« Je voulais, me confie Nadim, que le zaatar parfume toute la ville et accompagne célébrations et feux d’artifice. »
Une naissance donc toute en gaieté, suivie d’une croissance exponentielle, avec une qualité quotidienne remarquable, qui fait envisager très vite au duo l’ouverture d’une seconde table.
C’est surtout Nadim qui répond aux questions, autour d’un délicieux soujok labneh et d’un moutabbal velours, pendant que Louai intervient discrètement de temps à autre, en surveillant la préparation des sandwiches et des plateaux.
Racontez-nous votre parcours et surtout la prouesse qui donne aujourd’hui ces saveurs astronomiques à des prix aussi démocratiques !
Nadim :
J’ai été élevé entre le Liban et la France, avec un papa très gourmand qui nous faisait faire le tour des restaurants, aussi bien au Liban qu’en France, et nous apprenait à apprivoiser les saveurs ; et une mère excellente cuisinière, qui adorait recevoir, mettre les petits plats dans les grands, et surtout guetter la réaction de ses invités. (Une vraie Levantine, quoi !, ndlr).
Je suis arrivé en Suisse à l’âge de 19 ans et j’ai entamé le cursus de l’École hôtelière de Lausanne. Au bout de deux ans, le système ne me correspondant pas, je décide de commencer un apprentissage sur le terrain. Tenté par un stage chez le chef François Payard, je mets le cap sur New York.
J’ai énormément appris avec lui, et le déclic pour investir dans la restauration et en faire mon métier a sans doute eu lieu à ce moment-là.
Au bout de deux ans, je reviens en Suisse pour finaliser un diplôme de restauration à l’école des Roches, et je reprends tout de suite après la route de New York pour gérer une nouvelle enseigne du chef Payard pendant quatre ans. Très belle expérience, mais la Suisse me manquait trop !
Je rentre à Genève avec ma petite famille et je rencontre, par hasard, Louai qui arrivait de Syrie.
Après plusieurs repas partagés, l’idée d’un restaurant simple et fédérateur, offrant des repas rapides et savoureux levantins, se met en place.
Louai :
J’ai toujours aimé la nourriture et été curieux des goûts et des saveurs. En Syrie, comme partout au Levant, elle fait partie intégrante du quotidien.
Curieux des plats et des traditions, il m’arrivait, avant la guerre de 2011, de faire quatre heures de route pour goûter un plat typique d’une région.
Ma rencontre avec Nadim est un de ces hasards de la vie qui ressemblent plus à un rendez-vous du destin. Notre complicité à table nous a très vite poussés à concrétiser un projet.
Les restaurants présents à Genève offraient pratiquement tous le même menu. Nous avons alors pensé à quelque chose de plus simple, de plus terroir.
L’idée d’un “forn”, four fédérateur que l’on trouve partout au Levant — aussi bien dans les villes que les villages — s’est vite imposée.
C’est un vecteur de goûts simples et quotidiens, typiques du Levant.
Nous voulions aussi offrir des produits authentiques, abordables et à la portée de tous.
Comment choisissez-vous et mettez-vous au point vos créations ?
Nadim :
Les recettes sont mises au point par Louai au fil des saisons et des inspirations.
Elles sont ensuite goûtées par nos employés et par un panel choisi parmi nos clients les plus fidèles. Une fois les recettes validées — parfois retravaillées — nous les proposons à la carte.
Nous proposons également, au fil des saisons, des plats du jour : frikeh kebab aux cerises, ou encore des atayefs…
Nos épices et condiments — zaatar, tahini, mélasses — sont importés du Levant, sourcés auprès de petits producteurs soigneusement choisis.
Pour la matière première (farines, viandes, laitages), la Suisse est un fournisseur royal où l’excellence va de soi.
Vos plats préférés à tous les deux ?
Nadim :
Les grillades simples, et un plat villageois : les tripes mijotées (foueregh), comme les prépare ma mère.
Côté desserts : la halewet el jebn à l’état pur, effilochée, non roulée, et sans achta !
Côté européen : la choucroute et une souris d’agneau bien parfumée.
Louai :
Pour ma part, je ne résiste pas au yabrak : feuilles de vigne farcies à la viande, bien citronnées et parfumées à l’ail.
Mon dessert préféré : la madlouka minute, bien garnie.
Côté suisse : des filets de perche, en saison, poêlés et bien citronnés !
À l’arrivée de cette belle aventure : une réussite totale, avec des goûts sublimes, et tout le Levant authentique, quelquefois revisité avec bonheur — comme ces mouhallabiehs au lait d’amande, ou une autre à la pistache...Variantes savoureuses de la traditionnelle.
Vous quitterez les lieux à regret, lestés d’une bonne humeur extraordinaire, à laquelle vous avez goûté, enroulée avec amour dans chaque bouchée.
Une chaleureuse odeur de pain chaud vous accompagnera pour le reste de la journée — et surtout, la large palette de sourires inoubliables d’une clientèle ravie de saluer, chaque jour, le lever de ce soleil levantin !
Saj Eats
Genève, rue des Alpes 18
@sajeat_ge
Sans réservation
La Levantine by Saj Eats
Rue Patru 2, 1205 Genève, Suisse
📞 +41 22 321 20 30
@la_levantine_bysajeat