Jusqu’au 6 juin à la galerie Art Scene, la peintre Effa Mseileb présente « When the Earth Dreams », une série de toiles née dans l’urgence, au plus fort de la guerre. L’artiste y explore la beauté des paysages naturels libanais, que le tumulte menace d’effacer.
Originaire de la Bekaa, l’artiste entame cette série il y a un an, alors que la guerre éclate, à quelques kilomètres de chez elle, près de Hadath. Celle-ci débute avec quelques notes de musique : celles, poétiques et romantiques, de Wadih El Safi. Elles inspirent un premier triptyque aux couleurs pastel, comme un besoin de tendresse et de douceur face aux premiers fracas du conflit.
Dans la suite de ses œuvres, les couleurs se densifient, les coups de pinceau se font plus vifs et la composition désordonnée. Les toiles plongent ouvertement dans l’abstrait. Ici, la nature n’est pas apaisée mais agitée, plus lumineuse aussi, et l’on retrouve, dans chacune de ses toiles, de grandes touches de jaune.
Puis, vient l’accalmie. Ou du moins son illusion. Le cessez-le-feu est prononcé, mais la douleur reste vive. Alors, Effa Mseileb peint des oliviers, de ceux qui ont été arrachés, dans le sud du pays par l’armée israélienne. Sur ses toiles, elle canalise sa colère et ses frustrations. On lit sur l’une d’elles : « لا تستوحش طريق الحق لقلة سالكيه » / « ne te sens pas isolé sur le chemin de vérité à cause du petit nombre de ceux qui l’empruntent ».
À travers ses toiles, la peintre cherche à unir la beauté des paysages du Liban : montrer une facette de ce pays, éclipsée par la poussière des bombardements et les décombres des explosions. Face au chaos, Effa Mseileb veut donner autre chose à voir, changer les regards et les discours. « Ce que je souhaite, c’est que le spectateur se sente apaisé devant mes toiles, qu’il y trouve refuge comme j’y ai trouvé du réconfort », confie-t-elle.
Loin d’un discours linéaire, « When the Earth Dreams » s’exprime par fragments. Autour du thème commun de la nature, Effa Mseileb explore différentes perspectives. Elle manie divers médiums – de l’huile aux pastels, en passant par le feutre acrylique – et techniques – du symbolisme à l’abstrait. Elle varie, également, les lieux de création. On découvre ainsi, accrochées sur les murs de la galerie Art Scene, ses toiles en petit format, peintes sur site, dans la nature, et sans croquis. Elle y couche, dans un geste vif et instinctif, ses souvenirs d’enfance : ceux des maisons en pierre, de la vigne sur les murs, des fleurs en pots.
Par cette exposition – la troisième de l’artiste en solo – Effa Mseileb offre un récit sur l’attachement à la terre. Elle invite à regarder autrement un territoire abîmé, à percevoir, au-delà des décombres, la beauté.
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