Enfin ! C’est ce qu’énormément de Libano-Canadiens se sont dits à l’annonce de la tournée de Fady Raidy au Canada (Mississauga, Gatineau, Montréal, Halifax), organisée par Tarek Sikias, des Productions JPAL.
Adulé du public, l’humoriste qui a ouvert la voix à tous les autres, était là, à la Place des Arts, pour lever deux salles combles de 1400 personnes. Après l’avoir connu au petit écran dans les années 2000 ou avoir eu la chance d’assister à un de ses shows au Liban, ses fans qui devaient se contenter des réseaux sociaux, depuis, ou de capsules vidéo voulaient se désaltérer live, en rigolant à ses blagues désopilantes. Et il était là, enfin, sur scène et dès son apparition l’ovation, la joie, les applaudissements ont soudain éclaté.
C’est qu’il est très fort Fady Raidy !
Nous amuser encore avec trois, quatre personnages-fétiches qui n’ont pas pris une ride après 30 ans d’existence est une gageure à hauteur de celui qui, en maître absolu de son art, nous a encore fait rire à gorge déployée dans les rôles d’Abou Rimon, Pipo et surtout Fadia el Sharaka, qu’il a encore ressuscités pour nous faire rire aux larmes comme au premier jour.
Il a le tour pour relever notre « libanité » qui s’adapte parfaitement à l’environnement (nous félicitant au passage de souscrire, en terre d’exil, à un civisme à toute épreuve alors qu’il n’est pas dans notre nature), notre résilience à ne plus croire qu’aux prédictions de Michel el Hayek (le visionnaire qui chaque début d’année nous livre ses annonces catastrophiques pour les quatre ans à venir et que nous consommons en quatre mois), nos déboires avec les banques qui se précipitent sur nos « fresh dollars » comme si nos fortunes qu’elles ont englouties étaient du « fresh orange juice »…
En stand-up comedy, il met la barre très haute, mais son énorme talent se perpétue inexorablement en ressuscitant Youssef Ely’el, le montagnard vantard et roublard, toujours d’actualité, inénarrable dans ses exagérations à propos de sa relation super-privilégiée avec le président Trump ou glorifiant à l’impossible les mérites de son fils Rimon ou tournant à son avantage les déboires avec sa femme, la fameuse Badi3a.
Talent tout aussi exceptionnel en campant le rôle de Pipo. Formidables mimiques enfantines, attitudes typiques de l’enfant pris en faute, réparties judicieuses entre politesse et insolence, l’élève, toujours affamé, appelé cette fois-ci au bureau de la directrice de l’école (Rita Chouéri Raidy, son épouse, qui lui donne le la durant le spectacle ) est toujours ce petit garçon avec la même salopette en jean qui relève, avec sa fausse innocence, les incohérences de notre société (comme celle quand il découvre que ses parents payent des milliers de dollars sa scolarité et qu’en contrepartie, tout ce qu’il obtient ce sont des remontrances, des obligations et des punitions).
Mais probablement le caractère absolument incontournable de Fady Raidy est celui de Fadia el Sharaka qui, 30 ans plus tard se prend toujours pour la petite blondinette de 45 kilos qui cristallise tous les retords de la gent féminine, tous leurs excès et toutes leurs vulnérabilités. Pendant plus d’une demi-heure, sans prendre haleine une seconde, la volubile dame caricaturée à souhait, accusée d’avoir fait du tort à son voisin, explique comment son mari la harcèle par son désir inassouvi. Tout y passera : les 400 bougies qu’il doit allumer pour « consommer » l’acte, le gallon d’huile pour la masser à 2h30 du matin, « les vagues » qui lui fait faire arc-boutée sur lui… Autant d’images, de flots de phrases qui se succèdent, de pensées qui se précipitent, de propos abracadabrants qu’elle (il) brode sur le sujet… Le tout en mastiquant sans cesse… Et Fady Raidy qui ne lâche pas. Qui s’y met corps et âme comme si c’était son premier sketch !
Insubmersible !
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